Les membres de la Fonky Family

Janvier 98, l'alerte est donnée, la scène rap s'ébranle avec "Si Dieu veut", premier album de la Fonky Family. Les sept membres du clan phocéen "soudés à la vie à la mort" ne laissent personne indifférent. "Si Dieu veut" atteint le double disque d'or (200 000 exemplaires) 2 ans après sa sortie.

Le groupe formé en 1994 s'est aguerri sur scène pendant 4 ans (d'abord locales puis dans toute la France), s'est illustré en 1995 sur l'album solo d'Akhenaton avec le titre "Bad Boys de Marseille", avant de rentrer en studio pour son premier album. Dans les trois ans qui ont suivi la sortie, la F.F. de Mars n'a pas chômé. Le groupe - moyenne d'âge 25 ans, "des gars plus vrais que nature, ce côté pieds sur terre et à la fois immature" - part à la rencontre de son public en France et dans les pays francophones: une tournée sold-out de 50 dates qui passe par l'Olympia, les Francofolies de Montréal, le festival de Montreux, et bien sûr 2 soirs à l'Espace Julien de Marseille.

Le EP qui suit en 1999, "Hors Série volume 1" (lui ausssi disque d'or) regroupe titres live et nouvelles compositions, et témoigne de leur énergie sur scène. Les membres de la F.F. sont sollicités pour de nombreux featurings, ensemble ou en solo ils participent à toutes sortes de projets (BOF, compilations, albums, maxis, singles…).

Le succès du groupe n'entame en rien sa détermination et sa rage. Ne change rien non plus au mode de vie ou de pensée de ces francs-tireurs du verbe et du son. "S'assumer en vivant de sa passion, c'est mortel, peu de gens arrivent à le faire de nos jours, on est des privilégiés à ce niveau là. Mais on n'est qu'en cours de route. On regarde devant, même si tout ce qu'on a vécu, c'est gravé en nous, on ne pourra plus jamais s'en défaire. L'argent qui peut arriver, ou le regard des autres qui change, ça c'est la vie, mais avant tout on reste ce qu'on est”.

Attendue au tournant du second album, la F.F. poursuit donc sa croisade, avec ce second album "Art De Rue" signé chez SMALL. Et s'il fait preuve d'une maturité acquise à force de travail et d'expérience, la furie et la foi qui animaient "Si Dieu Veut" marquent toujours cet "Art De Rue". C'est indéniable, le clan a encore progressé techniquement, et confirme son obstination à enchaîner lyrics ultra réalistes et formules incisives posés sur des fonds sonores bien distinctifs. La sincérité semble bien le maître mot de l'album, qui arrive quelques mois après la sortie de l'opus solo du Rat Luciano "Mode De Vie – Béton Style". On y retrouve l'ingénieur du son Mario Rodriguez (Mobb Deep, Mary J Blige, LL Cool J...) déjà présent sur "Si Dieu Veut".

"Art De Rue" a une signification particulière pour le groupe. Ce morceau qui a donné son nom à l'album rend hommage au hip-hop, à ses disciplines moins souvent mises en avant, et à ses partisans. Logique, puisque les membres de la F.F., aux styles et personnalités bien différentes, ont grandi avec depuis leur adolescence. Le hip-hop, ils le vivent, le ressentent, le respirent. "C'est un besoin, ça ne s'explique pas, c'est une drogue, on y a goûté, ça nous a plu et maintenant on en redemande, on est nos propres dealers…”

Tour à tour contestataire, provocatrice ou attachante, la Section Nique Tout évoque son quotidien et la rue de façon plus posée, en affûtant les mots et leurs sons. "On est à l'image de la vie, entre deux feux. Nos vies, elle ne sont ni pourries, ni joyeuses, mais c'est un mix des deux" dira la F.F. Et si la thématique demeure constante depuis "Si Dieu Veut", c'est bien que leur vie n'a pas changé et reflète leur monde cru. Hommage aux proches ("Les miens m'ont dit"), ou ode à la nuit ("Tonight"), prendre le micro n'est jamais un acte gratuit pour la F.F. Sa force est de parvenir à mélanger mélancolie, rage, humour et espoir.

Musicalement, l'album repousse plus loin les frontières du genre. Pone sculpte des sonorités différentes et novatrices, aux effets lancinants avec un côté minimal et entêtant, et aux influences eighties. DJ Djel déploie avec brio toute sa dextérité en matière de scratchs, composant même un titre (le freestyle final), le Rat Luciano en signe cinq. "Il y a toujours un son F.F., ce qui fait que ça se ressemble, même si les tempos se sont accélérés, parce qu'on voulait un truc qui prenne les gens. On essaye plutôt de surprendre."

On notera des featurings issus du clan: Troisième Oeil, Costello, Le Venin, "des gens qui ont toujours été là, depuis le début de l'aventure de la Fonky Family" et Faby, pour les choeurs féminins.

Mais laissons-leur le mot de la fin: "Pour vraiment comprendre F.F., il faut écouter l'album, il y a plein de morceaux qui ont des touches et des couleurs différentes, ils dégagent tous quelque chose de particulier. On fait de la musique pour prendre notre pied, et puis ça donne ce que ça donne. A l'arrivée, on n'a pas des morceaux de 3 minutes 40 bien structurés avec des refrains qui ressemblent d'ores et déjà à des singles, on ne travaille pas dans cette optique là."